Les systèmes de connaissances sur l’adaptation au changement climatique dans les régions semi-arides sont-ils fiables ?
De Mark New, chercheur principal pour l’ASSAR et directeur de l’African Climate and Development Initiative à l’Université du Cap.
Savoir, c’est pouvoir. Dans le cas de la réponse aux intempéries et au stress climatique – tant les phénomènes actuels que ceux qui apparaîtront à mesure que le climat évolue – le savoir est considéré comme un facteur essentiel pour l’adaptation au climat.
Quels sont les types de connaissances importants pour l’adaptation climatique ? Si l’on se fonde sur un processus d’adaptation typique, il est nécessaire de posséder des renseignements sur le risque climatique, sur ses répercussions potentielles et sur les mesures d’atténuation envisageables. La connaissance de toutes ces dimensions est une composante essentielle de la capacité d’adaptation.

Dans le cadre du projet ASSAR (Adaptation at Scale in Semi-Arid Regions), nous évaluons des systèmes de connaissances sur l’adaptation au changement climatique dans des pays comme la Namibie, l’Inde et le Kenya, qui comptent des communautés vulnérables. Nous avons développé un modèle conceptuel de système de connaissances de l’adaptation dans lequel les connaissances sont générées, échangées et utilisées sur plusieurs dimensions, à savoir les échelles spatiales locales, nationales et régionales, les acteurs locaux, nationaux et régionaux, les échelles temporelles (horaire, quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, saisonnière, pluriannuelle), et en fonction des différentes étapes d’un processus d’adaptation itératif, qui vont de la définition des risques météorologiques et climatiques à la définition et à l’adoption de mesures de réduction des risques.
Nous nous intéressons aux forces et aux faiblesses de ces systèmes de connaissances : les systèmes révèlent-ils des tendances communes entre différents lieux qui pourraient nous indiquer où concentrer nos efforts afin d’améliorer la capacité d’adaptation ? Quelles sont les raisons sous-jacentes des forces et des faiblesses constatées ? Existe-t-il des exemples d’approches qui pourraient être adoptées dans d’autres contextes afin de renforcer les maillons faibles des systèmes de connaissances ?
Un système de connaissances est une « structure organisée et un processus dynamique qui (a) génère et représente du contenu, des composants, des catégories ou des types de connaissances, (b) est propre à un domaine ou défini par l’utilisateur ou le consommateur en fonction de caractéristiques propres à un domaine, (c) est renforcé par un ensemble de relations logiques qui relient le contenu du savoir à sa valeur (utilité), (d) est appuyé par un ensemble de processus itératifs qui permettent l’évolution, la révision, l’adaptation et le progrès, et (e) est assujetti à des critères de pertinence, de fiabilité et de qualité » (GSSD, page consultée en 2018, traduction).
Nos résultats préliminaires sont présentés dans le tableau ci-dessous. Nous avons examiné les types de connaissances sur l’adaptation au climat qui sont générées, diffusées et échangées à différentes échelles spatiales du système (échelle nationale, du district et locale dans cinq pays différents). Nous avons évalué la fiabilité du système en fonction des différentes échelles de temps du risque climatique – l’échelle quotidienne (météo), saisonnière, décennale et pluridécennale – et des différents types de connaissances ou besoins, c’est-à-dire les données climatologiques et météorologiques, les répercussions et les mesures d’adaptation.
Que ce soit sur les échelles temporelles ou spatiales, les systèmes de connaissances que nous avons examinés sont plus fiables sur des échelles de temps plus courtes, en particulier les échelles de prévisions météorologiques, et moins précis sur des échelles de temps plus longues. Les systèmes de connaissances ont aussi tendance à être plus exacts à l’échelle nationale, où se trouve une grande partie des ressources et des capacités de production et d’utilisation des connaissances scientifiques. Les connaissances locales sur la météo et le climat à des échelles temporelles plus courtes sont souvent assez sûres et prennent une forme de plus en plus hybride, associant connaissances traditionnelles et données météorologiques fournies par les services nationaux ou de district. Bon nombre de communautés locales ne sont que vaguement conscientes du changement climatique et de ce que cela signifie pour elles. Elles ont demandé à obtenir plus d’information afin de mieux comprendre les conséquences éventuelles de ce phénomène.
La plus grande lacune des systèmes de connaissances climatiques concerne les mesures d’adaptation aux risques et aux incidences climatiques. Dans la plupart des endroits, il existe des connaissances sur les réponses possibles aux intempéries et aux risques climatiques saisonniers, mais les populations locales sont nombreuses à affirmer que leurs mesures saisonnières sont de moins en moins utiles en raison de l’évolution du rythme de survenue et de l’intensité des phénomènes météorologiques qui les touchent. À mesure que l’horizon de risque glisse vers des échelles de temps pluriannuelles et pluridécennales, très peu de connaissances sont générées et surtout échangées entre les différents acteurs du système de connaissances. Il semble simplement y avoir très peu de partage des connaissances existantes entre les projets et les interventions mis à l’essai. Par conséquent, la diffusion de solutions d’adaptation potentiellement utiles de la phase d’essai à des échelles plus larges est lente ou inexistante.
Enfin, dans de nombreux cas, le flux d’information est globalement à sens unique, de l’échelle nationale à l’échelle du district puis de la localité, avec très peu de retour d’idées générées à l’échelle locale et de rétroaction sur l’utilité des éléments fournis. Comme indiqué dans la définition ci-dessus, un système de connaissances fiable est caractérisé par des « processus itératifs qui permettent l’évolution, la révision, l’adaptation et le progrès ». Ces boucles d’apprentissage et de rétroaction semblent faire défaut à bon nombre des systèmes de connaissances que nous avons examinés.
Comment pourrions-nous construire des systèmes de connaissances d’adaptation plus performants ? La plus grosse lacune semble concerner le domaine des interventions; savoir quoi faire face à un risque climatique imminent. Il semble nécessaire de rassembler des données probantes sur les mesures qui ont fonctionné et de les partager plus largement, et aussi de consacrer plus d’efforts à la conception de réponses pertinentes et fiables dans le contexte des personnes les plus exposées au risque. Enfin, dans les domaines où les connaissances sont déjà disponibles, par exemple les risques climatiques et les répercussions, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer la pertinence et l’accessibilité des connaissances et pour établir des boucles de rétroaction qui permettront d’améliorer continuellement le système.