BLOGUE | Que signifie pour les deltas une augmentation de 1,5 °C de la température mondiale ?

Par Robert Nicholls, chercheur principal pour DECCMA et professeur en ingénierie côtière à l’Université de Southampton.

 

Les deltas sont des points névralgiques des changements climatiques, car ils abritent de vastes populations. L’élévation du niveau de la mer constitue une menace importante pour les deltas, y compris des risques d’inondation et d’érosion. Alors que le monde tente de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, le projet DEltas, vulnérabilité et changements climatiques : migration et adaptation (DECCMA) étudie la façon dont les deltas seraient touchés par des hausses de la température de 1,5 °C, 2 °C ou 3 °C.

Après l’accord historique conclu à Paris, l’objectif consistant à limiter la hausse à 1,5 °C est devenu un sujet brûlant. En effet, l’Accord de Paris engage les pays développés et les pays en développement à limiter à 2 °C la hausse de la température du globe, tout en tentant de la limiter à 1,5 °C. On croit généralement que ces chiffres sont des plafonds critiques au-delà desquels des changements importants surviendraient dans l’environnement naturel (connus sous le nom de frontières planétaires).

La question du plafond de 1,5 °C a refait surface dans le milieu politique récemment, quand la 23e Conférence des Parties à la CCNUCC s’est réunie à Bonn pour discuter d’un modèle de rapport sur l’action climatique permettant de suivre les engagements pris dans le cadre de l’accord. La connaissance des conséquences d’une augmentation de 1,5 °C permet d’éclairer le « mécanisme de l’ambition », qui consiste à dresser tous les cinq ans un bilan des progrès accomplis, en vue de réviser et de mettre à jour les engagements en matière d’atténuation et d’adaptation. L’amélioration des connaissances scientifiques est essentielle pour s’assurer que ces engagements restent ambitieux et conformes aux objectifs fixés pour limiter les effets néfastes des changements climatiques.

Les deltas abritent 500 millions de personnes dans le monde et sont des milieux naturels sources de moyens de subsistance, de revenus et de services écosystémiques essentiels. Les chercheurs du projet DECCMA étudient les effets des changements climatiques à quatre sites d’étude répartis dans trois deltas de l’Afrique et de l’Asie: le mégadelta du Gange-Brahmapoutre-Meghna (GBM) au Bangladesh et sa composante de l’État du Bengale en Inde, ainsi que les plus petits deltas du Mahanadi, en Inde, et du Volta, au Ghana.

Compte tenu de l’intérêt que suscite le plafond de 1,5 °C, nous avons utilisé notre modèle d’évaluation intégré personnalisé – le modèle Delta Dynamic Integrated Emulator – pour examiner les changements probables dans les inondations (en ce qui a trait à l’ampleur de l’inondation et à la zone touchée), ainsi que les effets sur la population du GBM au Bangladesh en fonction de trois échelles d’augmentation de la température: 1,5 °C, 2,0 °C et 3,0 °C.

Si nous continuons d’émettre des taux relativement élevés de gaz à effet de serre, les modèles révèlent qu’une augmentation de 1,5 °C pourrait se produire entre 2011 et 2033. Les températures ont déjà connu une augmentation importante et rapide. En effet, une augmentation de la température de 0,7 °C a été observée au cours du XXe siècle. En comparaison, dans la période de rajustement s’étant écoulée depuis la dernière période glaciaire, les températures mondiales n’ont augmenté que de 4 à 7 °C sur 5 000 ans.

Une élévation du niveau de la mer de 5 à 14 cm est associée à une augmentation de la température mondiale de 1,5 °C. Cela peut sembler peu et il est particulièrement difficile de trouver une période de référence, car le niveau de la mer a considérablement varié au cours des 20 000 dernières années en raison des périodes glaciaires et du rajustement des masses terrestres. À titre indicatif, notons cependant que le niveau des mers a augmenté de moins de 2 mm au cours du XXe siècle, si bien que l’augmentation projetée est 20 fois plus importante.

Jusqu’en 2040, les différences probables entre une augmentation de 1,5 °C et une augmentation de 2 °C sont impossibles à distinguer, en grande partie en raison de la variabilité d’une année à l’autre qui caractérise déjà les deltas.

Si l’augmentation atteint 3 °C, certaines conséquences seront plus que doublées. En effet, à titre d’exemple, la zone inondée en raison de l’élévation du niveau de la mer en cas de hausse de 3 °C serait plus de 2,5 fois plus importante qu’avec une augmentation de 1,5 °C. Ceux qui courent le plus de risques se trouvent dans les régions du centre et du nord-est, où il y a moins de polders pour protéger les côtes.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est encore temps de mettre en oeuvre l’adaptation – si nous agissons dès maintenant. Notre équipe a étudié l’adaptation et trouvé 93 exemples documentés dans nos études sur les deltas, allant de l’agriculture et de la gestion de l’eau à la réduction des risques de catastrophes. Nous sommes à mettre au point un modèle d’évaluation intégré qui nous donnera un aperçu des besoins et des possibilités en matière d’adaptation selon divers scénarios.

 

Pour obtenir plus de renseignements, voir :

Brown Sally, Nicholls Robert J, Lázár Attila, Hazra Sugata, Appeaning Addo Kwasi, Hornby Duncan D, Hill Chris, Haque Anisul, Caesar John et Tompkins Emma, « What are the implications of sea-level rise for a 1.5°C, 2°C and 3°C rise in global mean temperatures in vulnerable deltas ? » Soumis à la revue Regional Environmental Change.

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