Ce billet de blogue a été publié originalement en anglais le 26 juillet 2017 sur le blogue d'OXFAM « From poverty to power - How active citizens and effective states can change the world ».
Rédigé par Duncan Green, conseiller stratégique pour Oxfam GB (un des partenaire de l'ASSAR) et autheur pour le blogue « From Poverty to Power ».

Au vu des réactions récentes suscitées par l’« impact de la recherche » (voir le billet original et de suivi, disponible en anglais), j’ai passé un certain temps à discuter avec des chercheurs spécialisés dans le climat, à Cap Town, à propos de la mise en applicatoin de la recherche. Les chercheurs font partie d’ASSAR, un consortium (dont Oxfam est l'un des partenaires) travaillant partout en Afrique et en Inde qui se concentre principalement (30 % du projet) sur l’utilisation des résultats de recherche.
N’hésitez pas à consulter les notes d’orientation du consortium concernant l’utilisation des résultats de recherche, ainsi qu’un guide d’apprentissage détaillé (disponible en anglais seulement). Ce billet de blogue porte sur les sujets qui découlent de la conversation, et où l’application concrète de ces questions ajoute au moins trois angles nouveaux à la question de l’impact de recherche.
La dimension temporelle : Il y a une très faible concordance entre le moment de la recherche et le moment de l’utilisation de ses résultats. Si vous avez de la chance, vous pourrez obtenir des fonds sur cinq ans pour un projet nouveau et novateur comme ASSAR, mais cela prend d’un à deux ans pour déterminer comment vous allez aborder la recherche, et deux ans de plus pour commencer à enregistrer des résultats. Ensuite, la dernière année, vous faites face à un grand nombre d’articles scientifiques, de notes d’information, de conférences, etc. Puis vient le silence – on est à court de résultats.
Penchons-nous maintenant sur la manière dont l’impact se fait sentir. Habituellement, des articles scientifiques doivent être rédigés et publiés, et à ce moment-là, vous en êtes à la fin du projet. Généralement, les résultats aboutiront sur le bon bureau après la fin du programme. Soit en raison du temps que cela prend pour des personnes comme moi pour parcourir les piles de documents à lire, soit parce que les résultats de recherche sont souvent utilisés à la suite d’événements particuliers (choc climatique, changement de leadership politique).
Que faire pour essayer de mieux harmoniser les résultats et l’impact de la recherche ? Prévoir un financement sur dix ans au lieu de cinq ? Garder une certaine somme sur un compte après la fin de projet pour financer une quelconque « cellule dormante » qui pourrait devoir être mise en application au moment propice, remanier la recherche et la présenter aux décideurs intéressés ? D’autres idées ?
Les relations : L’impact concerne les relations plus que les articles scientifiques. Les décideurs veulent pouvoir décrocher le téléphone et demander des avis d’experts à qui ils ont appris à faire confiance, et non devoir lire les derniers articles universitaires, qui sont souvent incompréhensibles. Les chercheurs qui disposent de tels réseaux sont précieux. Parfois, c’est parce qu’ils sont plus âgés – des antécédents établis et d’anciens étudiants reconnaissants constituent un bien intellectuel de grande importance pour les universitaires vieillissants. Ou, encore, c’est parce qu’ils ont de bons contacts, souvent grâce à des liens familiaux qui les ont vus, adolescents, assis autour de la table de la cuisine avec les futurs chefs de file du pays (pensez aux frères Miliband). Une chercheuse d’ASSAR, Margaret Angula, possède un tel réseau en Namibie, et cela augmente considérablement les chances au chapitre de l’utilisation des résultats de recherche.
Mais pouvons-nous revoir la conception des programmes de recherche de manière à reconnaître l’importance des relations ? Les demandeurs qui souhaitent publier leurs résultats de recherche devraient-ils soumettre leur répertoire téléphonique aux fins d’analyse du réseau social (l’attribution de faveurs aux membres d’un réseau de vieux amis n’est pas très équitable...) ? Les représentants des programmes de recherche devraient-ils délibérément pousser les chercheurs plus âgés, disposant de plus vastes réseaux, à réaliser des activités de sensibilisation plutôt qu’à publier (et ces personnes seraient-elles d’accord avec ceci) ? Ou qu’en serait-il d’un système de mentorat où un chercheur plus âgé serait jumelé avec une jeune étoile montante, la présenterait puis se retirerait et la laisserait s’appuyer sur une partie de son réseau ? J’aimerais bien entendre certains exemples de telles relations.
Parce que ce qui ne fonctionne pas, je le crains, est de tenter de forcer un jeune chercheur sans réseau et manquant de confiance en lui à devenir un papillon social très heureux. Comment pouvons-nous profiter davantage de toutes les occasions qui se présentent, et soutenir les chercheurs qui veulent réellement faire ce travail ?
Les communications : Le mantra « profiter de toutes les occasions qui se présentent » s’applique presque autant aux aspects publics de l’utilisation des résultats de recherche. Les chercheurs universitaires prudents qui sont pétrifiés à l’idée de révéler de façon prématurée leurs résultats (certains pourraient s’en saisir), de faire une erreur ou de paraître stupides sont peu enclins à entretenir un blogue ou à répondre à des entrevues à la radio. Il convient plutôt de trouver ceux qui aiment écrire et communiquer, puis de les soutenir. Cela nécessite des incitatifs : comment des chercheurs (jeunes ou vieux) peuvent-ils être suffisamment récompensés (professionnellement aussi bien que moralement) pour le temps et l’énergie qu’ils consacrent à assurer l’impact de la recherche ?
La solution de rechange consiste à séparer les fonctions de communication des fonctions de recherche – bon nombre d’établissements d’enseignement et de groupes de réflexion disposent d’équipes de communication mais, là encore, il y a d’importants inconvénients. Les journalistes veulent souvent traiter avec un chercheur, et non avec un propagandiste (marionnettiste, singe savant) et peuvent s’irriter de voir que l’on répond à leurs questions par une série de « laissez-moi vérifier et je vous reviens ». Une solution de rechange ultime consiste à travailler avec des « courtiers du savoir » hybrides qui sont suffisamment au fait des enjeux pour traduire ce qu’il en est, et qui, ainsi, lient l’offre et la demande (c.-à-d. ils établissent les besoins puis déterminent les recherches pertinentes, les traduisent et les présentent). Il est toutefois très difficile de trouver des spécialistes des communications qui sont capables d’exécuter toutes ces tâches – proposer des moyens de communication novateurs et sortant des sentiers battus, comprendre parfaitement les méthodes et résultats de recherche, et maîtriser les politiques ou systèmes sur lesquels la recherche est censée avoir une incidence. Je présume qu’il est plus facile de trouver ces compétences au sein d’une équipe que chez une seule personne qui serait une sorte de surhumain.
Quelqu’un veut échanger des idées ?
Ici, ASSAR se penche sur la mise en application de la recherche (visionnez le vidéo YouTube ici - disponible en anglais seulement)