Mark New, chercheur principal, ASSAR
La recherche dans le cadre du projet ASSAR (Adaptation à différentes échelles dans les régions semi arides) visait à être pertinente pour les intervenants, à adopter le plus possible une approche transdisciplinaire (voir l’encadré) et à chercher sans cesse à faire avancer les connaissances produites pour qu’elles soient utiles et utilisées. Je pense que nous avons trouvé une partie des moyens d’atteindre ces objectifs – des exemples de quelques-unes de nos réussites sont documentés dans la publication soulignant les faits saillants de notre projet. Nous avons beaucoup appris sur la façon dont nous pourrions mieux faire les choses dans les futurs projets suivant ce processus de recherche universitaire plus traditionnel, aux fins de production de données probantes.
Pour le projet ASSAR, la recherche transdisciplinaire englobait de nombreuses dimensions essentielles : régler un problème concret, puiser dans de multiples disciplines dans le cadre d’une approche intégrée de la recherche, former des équipes de recherche composées d’universitaires et des praticiens, et ce, pour toute la durée de la recherche.
Mais je me demande encore si la recherche menée par des chercheurs basés dans des universités est la meilleure façon de produire des données probantes pour pouvoir avoir une incidence. C’est particulièrement le cas en matière d’adaptation aux changements climatiques, où l’un des besoins pressants est de trouver la façon de s’adapter le plus efficacement possible sur le terrain, de réduire les risques et d’améliorer le bien-être des plus démunis.
Les universitaires qui se penchent sur les problèmes de vulnérabilité et d’adaptation aux changements climatiques ainsi que ses répercussions sont très doués pour poser des diagnostics à l’aide d’un éventail de méthodes de recherche visant à comprendre un problème ou une situation et à trouver les causes et les raisons sous-jacentes. Une grande partie de ces travaux se termine par une liste de solutions possibles, puis on espère que quelqu’un d’autre trouve ces suggestions et tente de les mettre en œuvre. Il est rare que les chercheurs mettent à l’essai eux-mêmes les solutions et les réponses aux problèmes qu’ils ont décelés. Il y a clairement un chaînon manquant; ce qui signifie que de nombreuses solutions possibles ne font pas l’objet d’essais, et que si ces solutions étaient concluantes, elles pourraient prendre de l’ampleur.
De même, l’adaptation se produit concrètement, soit de façon autonome puisque les personnes touchées tentent de réagir aux risques climatiques qui ont une incidence sur elles, ou elle est dictée par une combinaison de politiques et d’interventions de projet qui reçoivent du financement. Ces travaux génèrent un nouveau type de « savoir expérientiel » appris sur le terrain, rarement documenté et n’ayant sûrement pas fait l’objet d’une évaluation éclairée. La plupart des projets d’adaptation qui sont financés sont évalués d’une façon ou d’une autre, mais souvent de façon superficielle – en indiquant si les exigences initiales ont été satisfaites, si les fonds ont été dépensés selon la proposition, en soulignant les réussites et souvent, en occultant les échecs. Bien que l’on assiste à une transition vers des méthodes d’évaluation plus représentatives, ces dernières seront inévitablement superficielles, puisque les évaluateurs ne se présentent qu’une ou deux fois pendant et après le projet. Il arrive souvent également qu’ils ne saisissent pas l’expérience acquise par les personnes qui participent au projet ou qui partagent leurs points de vue sur les évaluations dans l’ensemble du système d’adaptation aux changements climatiques.
Mes réflexions sur le projet ASSAR m’ont amené à envisager deux possibilités pour que les chercheurs puissent mener des recherches de manière différente, soit en descendant dans la « chaîne de valeur » en matière d’adaptation et en participant davantage dans la sphère des solutions et leur mise en œuvre.
Certaines des possibilités les plus intéressantes qui s’offrent aux chercheurs souhaitant aller au-delà du diagnostic pourraient se présenter en mettant leur expertise au service de la conception et de l’essai des solutions aux fins d’adaptation aux changements climatiques. Des exemples d’incubateurs d’innovation et de laboratoires de conception provenant d’autres espaces problèmes pourraient être suivis aux fins d’adaptation aux changements climatiques. L’un des exemples qui pourraient convenir aux types de problèmes sur lesquels ASSAR s’est penchée – ceux qui touchent les plus vulnérables – est l’approche utilisée par D-School où des cas extrêmes servent de cas problématiques, puisque ces derniers contribuent souvent à trouver des solutions plus radicales.
Les occasions d’intégrer la recherche dans les programmes d’adaptation aux changements climatiques sur le terrain se trouvent plus loin dans la chaîne des mesures d’adaptation. Il s’agit d’une inversion à 180 degrés par rapport au processus habituel de recherche. Plutôt que d’inviter les praticiens à participer à la recherche, ces derniers demandent aux chercheurs d’intégrer leur recherche dans les mesures et les projets d’adaptation aux changements climatiques sur le terrain. Ce type de recherche intégrée offre des occasions d’analyse critique plus approfondie de ces projets que ce qui est généralement offert dans les analyses standard, et documente le savoir expérientiel développé par les praticiens et les chercheurs, tout au long de leur adaptation. Les organismes qui financent la recherche sur les changements climatiques devraient envisager de collaborer avec les organismes finançant la mise en œuvre des mesures d’adaptation afin d’appuyer les chercheurs intégrés au sein des projets d’adaptation, d’aider à combler l’écart entre la recherche et la pratique, du point de vue du praticien plutôt que de celui du chercheur.
Il y a encore de la place pour la recherche traditionnelle – ainsi que les occasions qu’elle offre pour l’engagement critique avec la théorie et les idées visionnaires – mais une grande partie de ces recherches constitue plutôt un produit dérivé. Avons-nous encore besoin d’une autre étude de vulnérabilité sur une autre collectivité à risque, qui confirme que nous connaissions déjà la nature de la vulnérabilité ? Pourquoi ne pas inciter à faire de la recherche pour trouver des solutions, soit là où de nombreux jeunes chercheurs se passionnent pour leur travail ? Pour y parvenir, de nouveaux modes de financement de la recherche sont nécessaires de la part d’organismes tels le CRDI : des centres d’innovation où l’échec est permis ainsi que la collaboration avec des organismes comme le Fonds vert pour le climat pour cofinancer des partenariats de praticiens et de chercheurs.